Musicians :
Paul Personne : guitares, chant
Tony Bellanger : guitares
Nicolas Bellanger : basse
Brice Allanic : batterie
Titles :
01- Il y a
02- Une journée
03- Mainmise
04- Partir aujourd’hui
05- M’envoler plus haut
06- Pour quelle bonne raison
07- A la croisée des ch’mins
08- Pardon animal
09- Ça fait mal
10- Un peu jaloux
11- Jamais rien n’est parfait
12- Miss Nature
13- Partir pour mieux revenir (instrumental)
Pour ce nouvel album, Paulo, toujours accompagné par le trio A L'Ouest, a pris ses précautions et s'est isolé loin des pressions chez les frères Bellanger pour enregistrer en toute tranquillité un album vigoureux, pêchu, électrique en diable, absolument jubilatoire pour qui aime la musique qui balance et les belles parties de guitare.
L'album s'ouvre à grands coups de wah-wah sur « Il y a », un titre de rock puissant naviguant entre le rock californien funky des Doobies et celui plus latin de Santana. Autant dire que ça commence fort, c'est très chaud, d'autant que la fin du morceau nous offre une longue plage instrumentale avec un échange entre les deux guitares de Paulo et Tony, entrecoupé par un beau solo de basse, inhabituel, pour terminer par une coda un poil plus vive. « Une journée » calme vite ces ardeurs, avec son tempo nonchalant et son court solo éthéré : la température retombe d'un coup après l'électro-choc du premier titre, mais c'est pour mieux nous endormir et préparer le terrain à « Mainmise », réinterprétation sauce Paulo du « Gloria » des Them. C'est sûr que Gloria a toujours été une source d'inspiration pour Paulo… Le riff propulse le titre à toute vapeur sur une basse vrombissante, dans un parfum de 60's qui auraient avalé d'un coup tous les singles de Didier Wampas ! Le train file à toute allure sur la pulsation infernale de la rythmique soutenue par des claquements de main, quand il est stoppé brutalement par un coup de frein bien lourd : on n'entre pas en gare mais dans l'univers beaucoup plus sombre de « Partir aujourd’hui », une ambiance pesante qui peut évoquer certains titres mid-tempo du rock sudiste, d'autant que les guitares subliment dans leur échange final le son si particulier des Gibson, soutenues par un orgue puissant. On en sort un peu écrasé, un peu sonné mais l'entrain de « M’envoler plus haut » relance à point nommé la machine. Là aussi les Gibson dansent la sarabande sur un fond d'orgue et une rythmique endiablée où Nicolas fait sonner sa basse à la fois de manière percussive et mélodique, n'hésitant pas au besoin à plaquer des accords. Le final emballé à toute allure devrait électriser les publics des salles de la tournée. Terre de contraste cet album : « Pour quelle bonne raison » démarre sur une tonalité aborigène avant que les guitares acoustiques, puis l'ensemble du groupe n'organisent une ballade mélancolique soutenue par des nappes de cordes, ornée de soli absolument splendides, poignants et mélodiques en diable, dont deux superbes en slide sur micro grave ! Les montagnes russes continuent, Paulo a décidé de nous faire virer bredins, avec le riff lourd d' « A la croisée des ch’mins », qui contraste avec un pont aérien. Les guitares se font tout à tour saignantes et lyriques. Des chœurs à la Niagara (!) viennent appuyer le propos avant que les guitares ne se relaient pour venir tout déchiqueter dans le carnage final. A propos de carnage, Paulo, végétarien par conviction depuis des années, enchaîne sur un « Pardon animal » poignant, déchiré par une slide fumeuse soutenue par des guitares et des chœurs qui viennent prendre des accents psychédéliques que n'auraient pas reniés un David Gilmour au début des 70's.
A nouveau, on se retrouve pris à revers par le riff hypnotique de « Ça fait mal » que n'aurait pas renié le Révérend Wilko Johnson, et puis tout s'affole, la batterie tambourine, les guitares se plaignent à grands coups de vibrato. On se demande où on va quand soudain tout se remet en place, avant de se déliter à nouveau de manière chaotique, conduisant à une fin brutale. Cela permet à « Un peu jaloux » de s'installer, dans une ambiance intimiste mais torturée, sentiment de malaise ouaté, superbe solo tranquille et jazzy, très inspiré, toujours les montagnes russes… Et le manège continue quand surgit le riff de « Jamais rien n’est parfait », un titre que vont adorer pas mal de musiciens : combien d'entre nous ont en effet été victimes de cette femme désirable, amoureuse de l'image d'un musicien, et qui n'a pas plus urgent une fois le malheureux pris dans ses filets amoureux que de vouloir l'enfermer dans une cage où la musique n'a plus sa place ? Bien entendu, ça se termine mal ! « Miss Nature » nous emmène ensuite dans le pays du boogie sudiste, avec une rythmique à la ZZ Top striée de grands traits de slide par Tony Bellanger. Jouissif ! Ah quel truc magique, comme chante Paulo ! Quand on commence, on ne peut plus s'en passer… Les guitares s'en donnent à cœur joie, se renvoyant la balle avec entrain et délectation. Voilà un titre qui ne révolutionnera pas le monde musical, mais quel pied ! L'album se termine sur un court instrumental hanté par des chœurs, où aurait pu collaborer Warren Haynes, par exemple.
Au total, voilà un superbe album tout en contrastes mais où pourtant se dégage une certaine unité. Avec ses inspirations parfois psychédéliques, parfois jazz, parfois musiques du monde, parfois franchement sudistes, ces touches empruntées à droite et à gauche sans que l'unité du travail en souffre, les différents climats, sa volonté d'expérimenter, d'aller puiser dans le chaos, la puissance qui s'en dégage aussi, avec des morceaux qui devraient faire de véritables cartons en public, cet album de haute volée fait penser à l'état d'esprit de Gov't Mule. Mais une Gov't Mule en forme ! En tous cas, ça pulse, ça balance, ça groove, et on passe avec Paulo et ses sbires un bien agréable moment, vraiment. Plus que recommandable : indispensable !
Y. Philippot-Degand